Drôle de première expérience au Vietnam, hier dimanche 15 Mai. Appel à manifester dans la rue de Bui Vien, le quartier international du Dictrict 1 à Ho Chi Minh. Récit de ma rencontre avec la police vietnamienne !Il est tout juste 16h00, Angel, une amie canadienne enseignant à Ho Chi Minh, et moi-même, revenons d’un week-end dans la région du Mékong Delta, située à quelques heures au Sud. En me rendant au Budget Hostel, l’auberge de jeunesse dans laquelle j’ai pris l’habitude de rester en étant à Ho Chi Minh, j’apprends qu’une manifestation doit avoir lieu entre 15h00 et 20h00 dans la rue principale du quartier. On me déconseille de m’y rendre, forcément, j’y vais.
La rue de Bui Vien semble en effet différente à première vue, ou bien mon imagination me joue des tours. De nombreux policiers, en tenues vertes kaki, bleues, ou encore beiges arpentent les rues. Ils sont nombreux, matraques à porté de mains pour certains. Cette fois-ci j’en suis sûr, ce n’est pas mon imagination. Des vietnamiens attendent bras croisés sur les côtés de la rue, tandis que les policiers demandent aux tenants de boutiques de remballer leurs enseignes et tables. Cependant, la vie continue, des internationaux déambulent toujours dans la rue, les restaurants et bars sont ouverts, même si je fais remarquer à Angel qu’aujourd’hui, aucun vendeur nous a abordé pour nous vendre des lunettes de soleil, un tour en moto, ou de la marijuana.
On choisit de s’installer sur le balcon d’un restaurant au milieu de la rue. Sur internet, nous trouvons des blogueurs appelant les internationaux à filmer afin d’enregistrer les abus policiers qui ont eu lieu lors de la précédente manifestation : groupes de protestants embarqués dans des bus, manifestants battus … Un groupe de policiers, en tenues vertes arrêtent un vietnamien en scooter tandis que d’autres en tenues bleues font la circulation, créant un peu plus de problèmes au bordel habituel. Il leur tend une carte, sa pièce d’identité j’imagine. Environ sept policiers pour ce jeune homme qui repartira escorté en poussant son scooter.
De mon point de vue, je prends deux vidéos de la scène. L’une avec les types en tenues vertes, l’autre avec les types en tenues bleues, c’est surtout le bordel de la circulation qui m’interpelle ; pas la discussion avec les types en vert.
Je ne me cache pas et brandit mon téléphone, la scène avec les types en vert est finie, et quelques minutes plus tard je nous retrouve avec cinq types, des civils, derrière nous. « No camera, no camera ! ». Alors que nous avions nos téléphones dans nos mains. Les hommes ont des masques anti pollution, et l’un d’eux parle dans un micro. Je comprends que ce sont des flics sous couvertures. Cool. Ils restent plantés là, derrière nos chaises, discutent. Nous ne leur prêtons pas attention, du moins pas voyante. Je sais très bien que c’est au sujet des vidéos, mais ils ne m’ont formulé aucune demande.
Je brise le silence en parlant à Angel, pour prendre la température au son de sa voix, puis pour paraître normal. Je lui dis que l’on va partir, elle acquiesce en disant que c’est une bonne idée. Je bois une gorgée d’eau, puis nous nous levons.
Un des types à un pas de ma chaise, se rapproche un peu plus, et grâce à un anglais basique, je comprends que je dois rester là, c’est à cause des vidéos. Je propose de les supprimer, il me dit d’attendre cinq minutes. On se rassoit, j’essaye de rassurer Angel, qui pense déjà au fait que nous n’avons pas de pièce d’identité avec nous.
Quelques minutes plus tard, un groupe de policiers en uniforme apparaît à l’étage. Deux d’entre eux, une jeune femme et un jeune homme dans nos âges s’approchent et me demandent ce que j’ai enregistré. Je décide de lui montrer la vidéo où lui et ses compères verts n’apparaissent pas, mais c’est déjà trop. Je dois la supprimer. Je supprime donc les deux vidéos, et le policier me demande ensuite mon téléphone.
Il jette un oeil rapide aux photos récentes, puis va dans l’album des photos supprimées afin de s’en débarrasser définitivement. Merde, il savait.
Les deux policiers s’excusent, je dis que c’est ok, pas de problème. Ils s’en vont. Avec Angel, on respire, on discute, puis on rit. Deux vietnamiennes assises près de nous nous disent que les policiers ont effacé leurs photos également avant qu’elles ne rentrent dans le restaurant.
Le serveur, s’excuse, et me murmure un : « No human rights in Vietnam ».
Je souris tant bien que mal et à défaut de trouver des mots, je pose ma main sur son épaule. Au rez-de-chaussée, un autre serveur se confond en excuses. Rebelote, je pose ma main sur son épaule et lui dit de ne pas s’en faire. Je lui glisse que nous avons très bien mangé.
Aucun mal n’a été fait pour moi, je m’attendais à une réaction des policiers à la vue du téléphone, mais pas aussi rapide avec des types sous couvertures. Le plus grand mal est pour les vietnamiens finalement, et moi, je viens d’avoir une image du Vietnam que je n’avais jamais aperçu auparavant pendant ces deux mois de vadrouilles.
Certes, il y a des haut parleurs et des affiches de propagandes dans les rues des villes, un peu moins dans les grandes villes et endroits touristiques je pense, nous ne sommes pas autorisé à photographier les bâtiments officiels pour raisons de sécurité militaire, mais c’était tout.
Hier soir, malgré l’ouverture du pays et son développement en suivant les principes capitalistes, j’ai fait connaissance avec le régime autoritaire communiste qui est à peine palpable dans la vie de tous les jours ; du moins pour un étranger.
A de nombreux endroits, bien qu’en baissant légèrement la voix, les conducteurs de motos dans la rue, en plus d’offrir leurs services, proposent des services secondaires, de prostituées à cocaïne, en passant par marijuana et héroïne ; ce n’est pas l’image qui vient en tête lorsque l’on prononce le mot régime autoritaire.
Dans la journée, j’avais noté que le réseau 3G de mon opérateur ne fonctionnait pas très bien. Je remarque désormais que certaines fonctionnalités de Facebook ne fonctionnent pas, tout comme Instagram, et ce même avec le wifi. Coincidence ? Probablement pas, le gouvernement communiste qui a la main mise sur les journaux et chaînes de télévisions a probablement restreint l’accès aux médias sociaux.
Quant à la manifestation, elle aura à priori eu lieu, quelque part … Mais pas dans le quartier international. En fouinant rapidement, je découvre pour la première fois que plusieurs millions de poissons ont été retrouvés morts sur les côtes centres du Vietnam. Hier devait avoir lieu la quatrième manifestation contre l’inaction du gouvernement face à ce problème environnemental dont la population locale, pêcheurs notamment, accuse une aciérie taïwanaise, Farmosa, d’avoir relâché ses déchets toxiques dans la mer.
Pour finir, voici un extrait provenant de l’agence de presse Reuters, au sujet du journal télévisé vietnamien hier dimanche au soir : (les forces réactionnaires accusées = blogueurs diffusant et souhaitant une presse indépendante pour la plupart) :
Although communist Vietnam has long sought to silence and discredit its critics the warning by the country’s biggest broadcaster of possible seditious activity was highly detailed and of an unusually long duration. It was carried by several other major state-run channels.
« Their intention to abuse and disturb was revealed when many subjects called for using knives and petrol bombs to attack the functional forces and to overthrow the authorities, » the narrator of the VTV report said.
« Many people may ask what kind of peaceful marches are they … Is this possibly a preparation for a riot and overthrow? » the voice-over asked.
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