Situé à 8 heures de bus au Nord de Makassar, Rantepao est le centre touristique du Kabuputen Tana Toraja, Pays des Toraja, dans l’île de Sulawesi.
Les Toraja sont un groupe ethnique indigène, majoritairement christianisés par les colons néerlandais au début du XXème siècle. Cependant, ils sont toujours attachés à leurs croyances ancestrales et leurs pratiques perdurent, comme les cérémonies funéraires ; et j’y étais !
Une armée de scooters garés sur des parkings improvisés, des maisons aux toits pointus – tongkonan, la maison traditionnelle ancestrale – des greniers à riz, des gens vêtus de longues tenues noires, des hommes transportant des cochons sur des bamboos, des femmes cuisinant, des jeunes filles en tenues traditionnelles, des buffles broutant, et des visiteurs, proches ou non du défunt, de nombreuses personnes assistent à la cérémonie.
Les deux différentes cérémonies auxquelles j’ai assistées ont eu lieu un an après le décès, le temps que les familles puissent réunir l’argent nécessaire à l’organisation de l’évènement. Les personnes présentes sont assises dans des édifices en bamboos construits pour l’occasion.
Des membres de la famille m’ont invité à les rejoindre. Je me déchausse, et m’assoit en tailleur pour partager une tasse de café noir, des biscuits faits maisons, le tout étant des produits locaux. Un déjeuner me sera ensuite apporté dans une petite corbeille en osier couverte d’un papier sur lequel du riz et Babi Pa’piong, du porc cuisiné dans du bamboo, un plat traditionnel également étaient servis. Nous nous lavons les mains, puis commençons à manger avec nos doigts.
Peu de temps après, l’effervescence monte d’un cran, le cercueil est sorti du tombeau et un long linceul rouge est déroulé, sous lequel se place les femmes uniquement. De nombreuses personnes s’attroupent, puis le cortège se met en route et reviendra plus tard, avant les sacrifices.
Entre temps, des porcs sont tués, et découpés sur le sol, les jeunes hommes, cigarettes à la bouche et bières à la main, remplissent des bamboos de sang et de boyaux avant d’y ajouter des morceaux de viande grasse, qui seront ensuite cuits sur un feu.
Après le retour du défunt, le cercueil est placé en hauteur dans un tombeau, où siège le tau tau, une sculpture en bois à l’effigie du défunt.
Puis, il est temps. Les bouchers apportent les buffalos où se tenait auparavant l’autel principal à l’aide d’une corde passée dans l’anneau de son nez. Une seconde corde est placée à l’une des pattes arrières, puis deux animaux fûrent ensuite sacrifiés afin d’accompagner le décédé dans son voyage vers le pays des morts pour qu’il tienne son rang. Plus la personne était de hiérarchie importante, plus il faudra sacrifier de buffles, et choisir les buffles d’eau les plus chers ; certains se vendent des dizaines de milliers d’euros – l’équivalent de milliards de rupiahs.
Des femmes en tenues traditionnelles sont ensuite intervenues, chantaient en ligne tandis que les hommes dansaient en cercle. Rapidement, il commença à pleuvoir alors que les bouchers s’affairaient à couper la viande de buffles pour les prochains jours de cérémonie.
À mon second rituel, accompagné de mes amies indonésiennes Novi et Bianca, nous avons rejoint le rang des invités, et avons défilé en file indienne jusqu’au salon, où les jeunes filles en vêtement traditionnels nous accueillaient en échangeant des regards et des sourires à mon passage. Les femmes prirent place à gauche, tandis que seul, je rejoignis la partie droite, me déchaussait et m’asseyait en tailleurs pour partager de nouveau, des produits locaux, café et biscuits.
Pendant ce temps là, les membres de la famille dansaient et chantaient en cercle à l’extérieur.
Après cela, des combats de buffles eurent lieu dans une prairie non loin. Chaque personne apporte son buffle et le pousse vers un second, après quelques secondes, parfois, un épique combat éclate jusqu’à ce que l’un des deux puissants animaux détale au galop avec le second sur ses talons à sa poursuite. Ou bien, le combat n’a pas lieu, car les buffles ne veulent tout simplement pas, et préfèrent brouter. Alors, les hommes tirent sur les cordes, les poussent pour les faire se déplacer, parfois sans succès.
Ces rituels peuvent s’étendre sur plusieurs jours et à la fin, le défunt est placé dans un caveau familial. Par le passé, les corps momifiés couverts d’un linceul rouge et or étaient déposés à flanc de falaise, et les tau tau placés à côté de ceux des ancêtres.
Ces rituels sont pleins de sourires et de bonne humeur, c’est une célébration de la vie ; quelles leçons encore une fois …
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